jeudi 12 juin 2008

Tout sur la stratégie Linux de Novell

Dans le monde Linux, les choix de Novell tranchent nettement avec ceux de son concurrent, Red Hat. Les distributions proposées couvrent de multiples marchés à partir d'une même souche technique, la SLE

Le secteur Linux ne représente qu'une partie des activités de Novell. Avec un chiffre d'affaires (ce dernier trimestre) de 29 millions de dollars - en hausse de 31% - il monte cependant en puissance au sein de la compagnie.

L'actualité de Novell est chargée, avec la sortie prochaine de l'openSUSE 11 (le 19 juin) et les annonces faites autour de la SUSE Linux Enterprise 11 (SLE) et de SUSE Studio. La SLE 10 est très mature, avec une adoption de l'environnement graphique Gnome (KDE est toujours présent) et un YaST encore plus puissant (et moins intrusif).

Voici un point sur la gamme SUSE Linux Enterprise, l'openSUSE et la participation de la société à des projets open source majeurs, comme OpenOffice.org, Mono, etc.

SLE (1) : desktop, serveur et mainframe

Commençons par les distributions Linux de la compagnie. Toutes sont basées sur un socle commun, la SUSE Linux Enterprise (SLE), forte de 1.500 paquets logiciels. Avec plus de 450 développeurs Linux, la compagnie propose des mainteneurs pour 85% des applicatifs présents dans la SLE (Novell espère atteindre un taux de 100% pour la SLE 11). Ils intègrent patchs et nouvelles versions, mais font aussi redescendre leurs correctifs auprès de la communauté. Un engagement à large échelle pour Novell.

Pour la firme, l'axe « poste de travail » est important. Il est représenté par la SUSE Linux Enterprise Desktop (SLED). Les contrats signés récemment avec PSA Peugeot Citroën et Electronic Corporation sont révélateurs de la bonne santé de ce marché.

Comme son nom l'indique, la SUSE Linux Enterprise Server (SLES) se destine au marché des serveurs, la solution étant adaptée aussi bien aux machines classiques qu'aux solutions HPC (la SLES équipe plus de 70% des serveurs HPC au niveau mondial) et aux centres de données. La virtualisation est un axe fort de la SLES, avec l'intégration de Xen 3 et d'outils d'administration (nous y reviendrons).

Autre produit, la SUSE Linux Enterprise pour System z est adaptée aux mainframes IBM. Ses ventes sont loin d'être anecdotiques puisque cette distribution couvre environ 85% du marché Linux pour les mainframes IBM.

SLE (2) : temps réel et marchés verticaux

L'activité de Novell a cela de particulier qu'elle adresse aussi des marchés spécifiques, souvent ignorés par ses concurrents. La SUSE Linux Enterprise Thin Client est ainsi adaptée aux clients légers, avec comme partenaire Wyse, le leader du marché.

Même stratégie dans le domaine des terminaux de point de vente, avec la SUSE Linux Enterprise Point of Service. Là encore, la compagnie livre des images système prêtes à être installées sur les terminaux des plus grands constructeurs et un backoffice conçu spécifiquement pour ce type d'utilisation.

Plus étonnante, la SUSE Linux Enterprise Real Time permet à la distribution d'aller concurrencer les systèmes d'exploitation temps réels. Elle a été créée en partenariat avec Concurrent Computer Corporation, qui fournit les outils de développement NightStar, ce qui rend cette offre tout à fait crédible (même si limitée aux seuls processeurs x86).

Novell propose enfin un produit qui répond spécifiquement aux besoins des clients utilisant Netware. Novell Open Enterprise Server se veut compatible avec Netware, quoique architecturé autour de la SLES. Un pont entre deux mondes.

openSUSE : la dimension communautaire de Novell

Pour Novell, l'openSUSE est une petite révolution. Il n'a pas été facile de créer une version desktop ouverte et gratuite de la SUSE, alors même que le modèle commercial prédominait jusqu'alors.

Aujourd'hui, le pari semble en passe d'être réussi, une communauté de développeurs s'étant formée autour de cette distribution Linux. La création récente de l'openSUSE Marketing Team permettra de mettre en avant ce système d'exploitation et de lui assurer une large visibilité au sein de la communauté.

L'openSUSE arrivera en version 11 le 19 juin prochain. Quoique Novell ne souhaite pas prendre de risque en y intégrant des éléments instables, l'openSUSE sert d'incubateur pour les nouvelles technologies, qui seront éventuellement intégrées par la suite dans la SLE.

La différence entre l'openSUSE et la SLE réside dans la philosophie de développement. L'openSUSE, avec son rythme de sortie d'environ 18 mois, va définitivement de l'avant, sans regarder en arrière. À contrario, la SLE, avec une durée de vie de sept ans, suppose un effort de backporting (intégration des corrections de bogues dans des versions anciennes des logiciels) et de consolidation important de la part de Novell.

Le Build Service permet aux développeurs tiers de créer des paquetages pour l'openSUSE, mais aussi la SLE et les distributions Linux des concurrents (Debian, Fedora, Mandriva, Red Hat Enterprise Linux, Ubuntu…). L'initiative est excellente. C'est aussi un bon moyen d'augmenter le nombre de logiciels disponibles pour les systèmes d'exploitation créés par Novell.

Repenser le bureau…

Le recrutement de ténors du monde desktop, issus de Gnome ou Ximian, permet à la société de proposer des innovations en terme d'interface. Le but est d'améliorer l'interface homme/machine. Le projet Better Desktop a permis ainsi de concevoir le nouveau menu des distributions Linux de Novell.

La compagnie travaille également beaucoup autour d'OpenOffice.org, en offrant une version spécifique, la « Novell Edition ». Le projet Go-OO offre une version revisitée d'OpenOffice.org 2.4, d'ores et déjà capable de relire les fichiers au format OOXML (Office OpenXML). Elle intègre également un jeu d'icônes de qualité, un support des macros VBA Excel, et des filtres d'import pour les formats SVG, Works, etc.

Une équipe de plus de vingt personnes travaille sur ce projet. Elle a participé à hauteur de 64% à la correction des bogues de ce logiciel en 2007, faisant de Novell le second contributeur d'OpenOffice.org, après Sun.

Certes, certaines de ces fonctionnalités seront présentes dans OpenOffice.org 3.0, mais cette version ne sera pas forcément disponible pour les distributions « supportées » par les éditeurs (pour des raisons de maintien de la compatibilité). Dans cette optique, l'intégration de nouvelles fonctions à la version courante d'OpenOffice.org prend tout son sens.

Nous avons interrogé la société sur le choix de supporter l'OOXML. Pour Novell, il est important de gérer tous les formats, dans un simple but d'interopérabilité. Nos interlocuteurs nous ont cependant avoué avoir une préférence pour l'ODF (Open Document Format). La compagnie compte donc participer largement à l'évolution de cette norme ISO.

… et les outils de développement

L'interopérabilité est aussi la cible de Mono (et Moonlight). Cette implémentation libre de .NET est un projet crucial pour Novell. La firme considère qu'il est essentiel que les applicatifs du poste de travail de demain puissent fonctionner sans modification, quelque soit le système d'exploitation choisi.

Aujourd'hui, un logiciel écrit avec Mono s'exécute sans soucis sous Windows. L'inverse n'est pas toujours vrai, mais l'analyseur de code MoMa (Mono Migration Analyzer) facilitera l'adaptation des programmes.

Virtualisation : main dans la main avec Microsoft

La virtualisation est au cœur de la SLE. Cette dernière intègre ainsi l'hyperviseur Xen 3. Le Virtual Machine Driver Pack permet à la SLE de disposer de pilotes paravirtualisés, pour des performances maximales.

Mais la compagnie va plus loin : lors de la sortie de Windows Server 2008 (et d'Hyper-V), la SLE disposera de pilotes adaptés lui permettant de fonctionner au mieux sur ce système. Plus important, la compagnie va fournir une couche d'abstraction qui adaptera les ordres Hyper-V à Xen. Le but est ici de faire fonctionner Windows Server 2008 de la façon la plus native possible sous la SLE. C'est un effort louable entre Novell et Microsoft.

Avec le rachat de PlateSpin, la compagnie offre de multiples outils facilitant le travail de l'administrateur système. PlateSpin PowerRecon permet d'effectuer l'inventaire des machines, puis de créer des scénarios complets (consommation, espace occupé, nombre de serveurs nécessaires…). PlateSpin PowerConvert se charge de transformer un système physique en image virtuelle et - particularité importante - vice versa.

Dernière pierre de l'édifice, ZENworks Orchestrator est un outil de gestion des hyperviseurs Xen, VMware et Hyper-V (via des adaptateurs spécifiques). Le but est ici d'automatiser les centres de données en permettant la gestion centralisée des machines virtuelles (y compris la migration « live » ou l'archivage). Écrit en Java, ZENworks est 'scriptable' via Python (Jython). Des agents logiciels peuvent également fonctionner à l'intérieur des systèmes d'exploitation virtualisés. Ceci permet par exemple de gérer la charge en temps réel en adaptant le nombre de processeurs ou la quantité mémoire dédiée à un serveur virtuel.

D'autres usages sont possibles : la prévision ou la gestion des pannes, la répartition des machines virtuelles sur les serveurs en fonction de l'état de la climatisation… techniquement, tout devient possible. Voilà qui plairait à HP, qui a fait du data center flexible son cheval de bataille.

Distribution à la demande : un nouveau concept

Nous avons récemment parlé de SUSE Studio, un site web qui permet de créer sa propre distribution Linux, basée sur l'openSUSE. Ce concept intéressera tout particulièrement les éditeurs d'applications. De fait, SUSE Studio se veut aujourd'hui plus simple que le concept de 'méta distribution' applicable à la Debian et plus abouti que les Spins de la Fedora. Novell joue à fond la politique de l'appliance réseau avec cette nouvelle initiative.

Au final, la compagnie propose une gamme complète de systèmes d'exploitation et de services associés. L'innovation est également bien présente : un nombre de développeurs important travaille sur l'évolution de près de 1.500 paquets logiciels open source. Dans le domaine du poste de travail, l'action de Novell se retrouve dans les projets Better Desktop, OpenOffice.org, Mono ou openSUSE. Pour l'infrastructure, le Build Service et SUSE Studio promettent de changer durablement la façon de concevoir des paquets logiciels et des distributions Linux.

Références :
- La gamme Linux de Novell : http://www.novell.com/fr-fr/FR/linux/
- Concurrent Computer Corporation : http://www.ccur.com/
- openSUSE : http://fr.opensuse.org/
- Build Service : https://build.opensuse.org/
- Better Desktop : http://www.betterdesktop.org/
- Go-OO : http://go-oo.org/
- Mono : http://www.mono-project.com/
- MoMa : http://www.mono-project.com/MoMA
- PlateSpin : http://www.platespin.com/
- SUSE Studio : http://studio.suse.com/

Source : http://www.silicon.fr/fr/news/2008/06/10/tout_sur_la_strategie_linux_de_novell

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