La mission dirigée par le patron de la Fnac a donc rendu ses conclusions à Nicolas Sarkozy. Les négociations ont été âpres : les concessions lâchées par l'Industrie pour contrebalancer la répression sont plutôt faiblardes
Le énième plan pour lutter contre le piratage a donc été remis ce vendredi au président de la République, Nicolas Sarkozy, un plan concocté par les membres de la mission de réflexion dirigée par Denis Oliviennes, patron de la Fnac.
Nicolas Sarkozy, qui a fait depuis longtemps du piratage un de ses nombreux chevaux de bataille (depuis qu'il occupait la place Beauveau en 2006) a ainsi déclaré à cette occasion: "Je veux saluer ce moment décisif pour l'avènement d'un Internet civilisé, qui représente une nouvelle frontière, un territoire à conquérir mais qui ne doit pas devenir un Far-West high-tech".
L'anarchie des échanges, le non contrôle, voilà ce qui fait frémir notre président. Et de souligner: "Le clonage et la dissémination de fichiers à l'infini ont entraîné depuis cinq ans la ruine progressive de l'économie musicale".
"Si tout le monde vole la musique et le cinéma, on ne va pas légaliser le vol. Et en même temps, nous savons tous qu'on ne va pas non plus mettre tous les jeunes en prison", ajoute le locataire de l'Elysée.
Il fallait donc trouver un juste milieu, entre répression et prévention. Et cette troisième voie semble avoir été trouvée dans cet accord entre industriels du diverstissement, fournisseurs d'accès et Etat, estime Nicolas Sarkozy. Ce dernier qualifie cet accord d'"historique" , "solide et équilibré", résultat d'une "première grande alliance nationale autour de propositions précises et opérationelles"...
Quel entrain... Pourtant, les remèdes préconisés par la mission Oliviennes n'ont rien de révolutionnaires, surtout, ils mettent en avant certains outils répressifs inquiétants tout en laissant en place la loi actuelle qui punit toujours le simple téléchargeur de trois ans de prison et 300.000 euros d'amende.
Nicolas Sarkozy précise tout de même que l'accord signé n'était pas fermé, et invité toutes les parties concernées à faire un point dans six mois... Car les réajustement ne manqueront pas...
Quelles sont donc ces mesures ? L'essentiel était connu depuis quelques jours déjà... avec un volet répressif bien étoffé et quelques carottes... bien rares.
La riposte graduée
"Sur le principe de la responsabilité de l'abonné, du fait de l'utilisation frauduleuse de son accès, une autorité publique spécialisée, placée sous l'autorité du juge" sera saisie par les ayants droit en cas de téléchargement illégal. "Elle enverra sous son timbre, par l'intermédiaire des fournisseurs d'accès à internet, des messages électroniques d'avertissement au titulaire de l'abonnement."
Cette autorité devrait être l' Autorité de régulation des mesures techniques, c'est elle qui enverra des mails d'avertissement aux peertopistes. Surtout, elle pourrait demander aux fournisseurs d'accès de couper temporairement l'accès Internet des plus gros téléchargeurs. C'est une première : le principe de sanction graduée avec amende (qui avait fait les beaux jours de la loi DADVSI mais qui avait été retoquée par le Conseil constitutionnel) est écarté au profit de cette mesure bien plus répressive.
Elle pourra donc demander des sanctions "allant de l'interruption de l'accès à l'internet à la résiliation du contrat internet", peut-on lire dans le rapport.
Le filtrage
Les FAI, qui refusaient jusqu'à aujourd'hui de fliquer leurs abonnés ont du accepter la mise en place d'une phase de test de filtrage des réseaux de 24 mois qui pourrait déboucher sur une adoption si les résultats sont jugés satisfaisants... Ils se sont ainsi engagée à "collaborer avec les ayants droit sur les modalités d'expérimentation des technologies de filtrage des réseaux disponibles, et les déployer si les résultats s'avèrent probants, et la généralisation techniquement et financièrement réaliste".
Les sites d'échange
Pour éviter que des oeuvres protégées circulent sur les YouTube et autres Dailymotion, le rapport propose la généralisation des empreintes afin de marquer les contenus sous copyright . En contre-partie, les ayants droit s'engagent à mettre à leur disposition leurs sources afin de mettre en place "des catalogues d'empreintes de référence aussi larges que possible".
Mais cette perspective ne semble pas réjouir les géants de ce secteur qui se considèrent comme hébergeurs et non pas éditeurs de contenus. Google (YouTube) et Dailymotion ont ainsi refusé de signer cet accord. YouTube rappelle avoir "déjà développé, en collaboration avec des ayant-droit d'envergure internationale, un certain nombre d'outils, dont les outils d'identification vidéo, visant à protéger les droits d'auteurs en ligne".
Et d'expliquer : "Nous n'avons pas signé cet accord car nous n'étions pas impliqués dans les discussions préliminaires et nous pensons que l'obligation pour les plateformes de surveillance générale des contenus hébergés n'est pas une solution satisfaisante".
Du côté de Dailymotion, on souscrit "pleinement au principe de collaboration en toute bonne foi entre les prestataires d'hébergement et les ayant-droits pour généraliser l'utilisation de technologies de reconnaissance des contenus. Toutefois un passage de l'accord est en contradiction avec le régime de responsabilité d'un hébergeur tel que défini dans la Directive Européenne Commerce Electronique et dans la LCEN et ne peut donc recueillir l'assentiment de Dailymotion et Kewego qui appellent donc de leurs voeux une rapide prise en compte de la réalité juridique communautaire".
La plate-forme rappelle également avoir mis en place des outils de filtrage tout en soulignant que "leur efficacité dépend directement de l'implication des ayant-droits dans leur usage, en particulier en déposant dans des bases de données les empreintes de leurs contenus".
Les DRM
Du côté des carottes, l'Industrie s'est engagée à "rendre disponible les catalogues de productions musicales françaises sans mesures techniques de protection". On comprendra donc que la suppression des DRM (qui pénalisent l'essor de la musique en ligne légale et qui empêche le droit à la copie privé) ne concernera que le catalogue français. Et encore : les ayants droit ont obtenu un an de délai "à compter du fonctionnement effectif du mécanisme d'avertissement et de sanction prévu par loi"... Tout cela ressemble à un coup d'épée dans l'eau.
La VOD
Seule vraie mesure vraiment utile pour favoriser l'offre légale, le raccourcissement des délais de mise en ligne des films en VOD. Il s'agit de faire coïncider sortie en DVD et en VOD afin d'éviter la tentation du piratage. Mais là encore, les ayants droit ont obtenu du temps puisque cette mesure ne s'appliquera qu' "à compter du fonctionnement effectif du mécanisme d'avertissement et de sanction".
En conclusion...
Bref, le téléchargeur semble être une fois la cible principale de ce plan et les concessions lâchées par l'Industrie du divertissement sont bien faibles. Ce constat ressort d'ailleurs de la plupart des réactions d'associations de consommateurs ou d'internautes.
L'association des Audionautes dénonce un rapport "obsolète. Les solutions qu’il préconise auraient pu être proposés en 1997, à l’époque de Napster".
Et de poursuivre : "Le filtrage de l’Internet est une solution dépassée, techniquement impossible, contraire au droit de la concurrence, contraire aux libertés individuelles, et c’est un frein à l’innovation. L’application de la loi DADVSI est inutile car la loi est déjà dépassée par les artistes qui commencent à distribuer eux-même leur musique sur internet, et par les nouveaux abonnements au forfait (neuf, free, sfr, etc.). Le prétendu « piratage» correspond le plus souvent à une activité de copie privée autorisée par la loi. Les solutions répressives sont inutiles, elle ne servent ni les artistes, ni le public. Les solutions de tracking des internautes et de ripostes graduées sont anticonstitutionnelles, et les ayants-droits sont incapables d’offrir les garanties réclamées par la CNIL".
L’Adami qui gère les droits des artistes interprètes "constate et regrette que les organisations représentant les consommateurs et le public n’aient pas fait partie des négociateurs de cet accord, alors que l’efficacité des dispositifs destinés à lutter contre la gratuité dépend aussi du consentement du public et donc de son adhésion aux objectifs poursuivis".
La Sacem, qui reverse les droits d'auteurs juge au contraire que "la perspective ainsi offerte d'un retour à un cercle plus vertueux aura des chances de se réaliser si toutes les parties se mobilisent de manière déterminée et loyale dans la mise en œuvre des engagements pris aujourd'hui. De ce point de vue, les dispositions que le Gouvernement s'apprête à présenter au Parlement sont de bon augure".
Un point qui n'est pas du tout partagé par l'UFC Que Choisir. L'association estime que ce "rapport (est) très dur, potentiellement liberticide, antiéconomique et à contresens de l’histoire numérique".
Et de poursuivre : "Une fois encore la question cruciale et prioritaire de l’amélioration de l’offre en ligne a servi d’alibi à une initiative quasi exclusivement consacrée à la mise en œuvre de mesures répressives à l’encontre des internautes".
De son côté, la ligue Odebi estime qu'"en pratique, il serait inacceptable que le pouvoir du juge soit transféré à une Autorité". "C’est une véritable justice parallèle qui serait mise en place si “cette autorité” devait disposer “des pouvoirs de sanction à l’égard des fournisseurs d’accès"
"La suspension de l'abonnement revient à une privation des droits civiques numériques, ce qui est totalement disproportionné", juge Odébi.
Source : http://www.silicon.fr/fr/news/2007/11/26/rapport_oliviennes___les_mesures__les_r_actions__l_opposition_de_youtube_et_dailymotion
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